Alger expulse de nouveaux fonctionnaires français, une décision "incompréhensible" pour Paris
L'Algérie a décidé lundi d'expulser 15 nouveaux fonctionnaires français de son territoire. En réponse, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a affirmé que la France répondrait "de manière immédiate, de manière ferme et de manière proportionnée" à cette décision "incompréhensible".

La crise diplomatique entre Paris et Alger s'est encore aggravée avec de nouvelles expulsions de fonctionnaires français du territoire algérien, à laquelle la France va répondre "de manière immédiate", "ferme" et "proportionnée", a annoncé, lundi 12 mai, le ministre français des Affaires étrangères.
"C'est une décision qui est incompréhensible et qui est brutale", a réagi Jean-Noël Barrot lors d'un point-presse à Pont-l'Évêque où il était en déplacement. "Le départ d'agents en mission temporaire est injustifié et injustifiable. Et comme je l'ai fait le mois dernier, nous y répondrons de manière immédiate, de manière ferme et de manière proportionnée à l'atteinte qui est portée à nos intérêts."
Malgré une tentative de réconciliation début avril orchestrée par les deux présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, les deux pays ont échoué à reprendre langue de manière apaisée et durable, Alger ayant expulsé mi-avril douze fonctionnaires français du ministère de l'Intérieur.
À voir aussiFrance - Algérie : vers la rupture ?
Le chargé d'affaires de l'ambassade de France en Algérie – en l'absence de l'ambassadeur Stéphane Romatet, rapatrié à Paris pour consultations – a été convoqué dimanche au ministère algérien des Affaires étrangères pour lui notifier cette nouvelle demande des autorités algériennes, avait-on appris plus tôt de sources diplomatiques françaises. Les 15 fonctionnaires concernés étaient en mission de renfort temporaire.
"C'est une décision que je déplore parce qu'elle n'est ni dans l'intérêt de l'Algérie ni dans l'intérêt de la France", a également commenté Jean-Noël Barrot.
Une relation bilatérale "totalement gelée"
À ce stade, le ministère algérien des Affaires étrangères n'a pas publié de communiqué officialisant cette demande qui a été annoncée par une dépêche de l'Agence de presse algérienne (APS). L'Algérie exige le "rapatriement immédiat" de tous les employés français nommés dans des "conditions irrégulières", affirme APS. "Cette convocation du diplomate français serait intervenue après le constat de manquements flagrants et répétés de la partie française au respect des procédures consacrées en matière d'affectation d'agents auprès des représentations diplomatiques et consulaires françaises en Algérie", poursuit l'agence, "sans que ces affectations n'aient fait, au préalable, l'objet ni de notifications officielles, ni de demandes d'accréditation appropriées comme l'exigent les procédures en vigueur".
Les autorités algériennes dénonceraient aussi le blocage du processus d'agrément de deux consuls généraux algériens nommés à Paris et Marseille, ainsi que de sept autres consuls, en attente d'agrément depuis plus de cinq mois.
À voir aussiFrance-Algérie, une histoire à vif
Mi-avril, les autorités algériennes avaient déjà déclaré personæ non gratæ douze fonctionnaires français, tous travaillant pour le ministère de l'Intérieur. Ils avaient dû quitter l'Algérie en 48 heures.
Alger avait alors justifié cette décision par le fait que les autorités françaises avaient arrêté et mis en détention un agent consulaire algérien. La France avait immédiatement riposté en prenant une mesure similaire – l'expulsion de 12 agents consulaires algériens – et en rappelant Stéphane Romatet pour consultations. Le diplomate est toujours à Paris.
Dimanche, Jean-Noël Barrot avait souligné que la relation bilatérale restait "totalement gelée" depuis mi-avril, lors d'un entretien aux médias français France Inter-France Télévisions-Le Monde.
À lire aussiLa relation entre la France et l'Algérie reste "bloquée et totalement gelée", déplore Paris
La récente crise, d'une gravité inédite entre l'Algérie et son ancienne puissance coloniale (1830-1962), a démarré à l'été 2024 lorsque Emmanuel Macron a apporté son soutien total à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Front Polisario soutenus par Alger. L'Algérie avait immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
À l'automne, l'arrestation à Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal pour des déclarations portant, selon l'Algérie, "atteinte à l'intégrité du territoire", avait fait monter d'un cran les tensions, qui se sont ensuite encore enflammées début 2025 lorsque Paris a réclamé l'expulsion d'influenceurs algériens, refusée par Alger. Les autorités françaises reprochent, elles, le refus d'Alger de reprendre ses ressortissants qui sont frappés d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Avec AFP et Reuters