Le futur parc Disney d'Abu Dhabi, un projet au parfum de polémique
Le géant américain Disney va ouvrir un nouveau parc d’attractions à Abu Dhabi, avec le soutien financier du groupe émirati Miral, selon un communiqué publié mercredi. Une implantation stratégique au cœur du Moyen-Orient, susceptible de générer autant d'enthousiasme que de polémiques, dans un pays critiqué pour ses atteintes aux droits humains.

Mickey et Minnie posent leurs valises aux Émirats arabes unis. Disney va ouvrir un parc d'attractions flambant neuf à Abu Dhabi, en partenariat avec le groupe émirati Miral, ont annoncé les deux sociétés dans un communiqué publié mercredi 7 mai. Une expansion stratégique pour le géant américain du divertissement, qui cherche à conquérir un nouveau marché.
Après deux parcs aux États-Unis, deux en Chine, un au Japon et un en France, Disney s'implante pour la première fois dans cette région en plein essor touristique. Le parc sera installé sur l'île artificielle de Yas, située à 20 minutes en voiture du centre-ville d'Abu Dhabi et moins d'une heure de Dubaï. Connue pour ses parcs à thème, son circuit de Formule 1 et ses nombreux restaurants, l'île attire déjà des millions de visiteurs chaque année.
Cette nouvelle implantation s'inscrit dans le plan "Tourism Strategy 2030" des Émirats arabes unis, qui ambitionnent d'accueillir 39 millions de touristes par an d'ici la fin de la décennie. Pour Disney, l'intérêt est double : capter cette manne touristique tout en contournant la concurrence de ses autres parcs. "La région est suffisamment distante des autres parcs pour que nous ne craignions pas de cannibaliser les sites existants", a déclaré Bob Iger, PDG de Disney.

Un château futuriste
À la différence de ses autres parcs, Disney ne financera ni la construction ni la gestion du parc d'Abu Dhabi. L'accord signé avec Miral – qui opère déjà d'autres parcs sur l'île, dont le Warner Bros. World et Ferrari World – repose sur une licence : le groupe émirati s'occupe de tout, tandis que Disney empoche royalties et commissions en échange de son soutien et de l‘utilisation de la marque. Le site d'"Abu Dhabi aura à la fois l'authenticité de Disney et le caractère distinctif émirati", a décrit Bob Iger.
Avec ce nouveau parc, Disney cherche à diversifier ses sources de revenus face au déclin de la télévision par câble et à l'érosion du box-office. Le géant du divertissement vise à attirer non seulement les visiteurs du Moyen-Orient, mais aussi ceux venus d'Afrique et d'Asie, d'autant que l'obtention d'un visa pour les Émirats est bien plus accessible que pour les autres pays où se trouvent les parcs Disney, Europe et États-Unis en tête. Le géant américain espère également dynamiser les ventes de ses produits dérivés, les abonnements à sa plateforme de streaming Disney+ et les films Marvel dans cette zone géographique.
Ce nouveau parc ne sera pas un simple copier-coller des autres complexes Disney. Selon Josh D'Amaro, président de Disney Experiences, le site accueillera "un château moderne comme nous n'en avons jamais créé". Le visuel dévoilé par l'entreprise montre un édifice futuriste au bord de l'eau, à l'architecture moderne et cristalline, semblant tout droit sortie d'un univers de science-fiction. Un design en parfaite harmonie avec les mégaprojets d'Abu Dhabi.
Longtemps éclipsée par les plages et la vie nocturne effervescente de Dubaï, Abu Dhabi s'affirme désormais comme un pôle culturel de premier plan, avec l'inauguration du Louvre Abu Dhabi en 2017 et plusieurs musées en construction, dont un futur Guggenheim prévu pour début 2026.
Disney sous le feu des critiques
Avec ces projets titanesques, les Émirats arabes unis tentent de se forger une image de modernité et d'ouverture. Ces dernières années, le pays a adopté des réformes sociales présentées comme libérales pour attirer les expatriés et les investisseurs étrangers. Parmi elles, l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe et le genre, la suppression de l'obligation légale pour les femmes d'obéir à leur mari ou encore l'assouplissement de la réglementation sur la consommation d'alcool.
Mais cette façade progressiste masque une réalité plus sombre. Critiquer le gouvernement ou ses dirigeants reste passible de lourdes peines de prison, comme le dénonce Human Rights Watch, qui épingle régulièrement le pays pour violations des droits humains. Le pays est également accusé de bafouer les droits LGBT+, l'homosexualité constituant toujours un crime aux Émirats. En 2022, le pays avait d'ailleurs interdit la projection en salles du long métrage d'animation "Buzz l'Éclair" de Walt Disney-Pixar pour une simple scène de baiser entre deux personnages féminins.
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À l'annonce de l'ouverture du futur parc, les réactions ont afflué sur les réseaux sociaux. Certains commentaires témoignent de l'enthousiasme : "Meilleure nouvelle de tous les temps !!!", "J'espère que ce sera le château de Jasmine [princesse dans Aladdin, NDLR] !", peut-on lire sous la publication de l'annonce officielle sur le compte Instagram de Disney.
Mais la majorité des réactions sont nettement plus critiques : "Disney, je t'aime, mais c'est un choix d'emplacement incroyablement mauvais et cela exclut tellement de personnes", a écrit un internaute. D'autres dénoncent : "Vous ne vous souciez pas vraiment des droits humains" ou encore "Je suis plus que choquée et triste : c'est contre tout ce que Disney représente et signifie pour beaucoup d'entre nous". Un autre internaute, sur Threads, s'interroge : "C'est clairement pour les riches, pour qu'ils n'aient pas à être entourés de la classe moyenne et des pauvres dans les parcs américains."
"Nous sommes respectueux des pays et des cultures"
Dans la presse américaine, cette annonce a également suscité des questionnements : Disney pourrait "être critiqué pour son partenariat avec […] un pays autocratique qui limite la liberté d'expression, de parole et de la presse, et qui fournit des armes à des combattants accusés d'atrocités dans la guerre civile dévastatrice au Soudan", remarque le New York Times.
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"Les instances sportives et les artistes ont fait face à des réactions négatives pour avoir organisé des événements là-bas", souligne de son côté le Washington Post, rappelant aussi que "Disney s'est publiquement opposé au gouverneur de la Floride en 2022 au sujet d'une loi de l'État limitant l'enseignement en classe sur les questions LGBTQ+".
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Anticipant ce partenariat controversé, une porte-parole de Disney a déclaré dans un communiqué : "Nous sommes respectueux des pays et des cultures dans lesquels nous exerçons nos activités, tout en adhérant toujours à nos propres normes et valeurs."
Quel impact écologique ?
Ce nouveau parc s'accompagne aussi de défis environnementaux considérables. Le climat étouffant du désert impose un parc largement couvert et climatisé, ce qui soulève des interrogations quant à son impact écologique. Au-delà de l'ampleur du chantier, les infrastructures énergivores envisagées risquent d'alourdir l'empreinte carbone de Disney, déjà pointée du doigt pour ses huit bateaux de croisière, réputés pour leur consommation excessive de carburant et leurs effets néfastes sur les écosystèmes marins.
De nombreuses inconnues demeurent : Disney n'a pas encore révélé le calendrier, le nom officiel du parc, la taille prévue ou le coût estimé de ce nouveau projet. "Nous ne fixons pas encore de date", a indiqué Bob Iger à CNBC. "Il nous faut généralement entre 18 mois et deux ans pour concevoir et développer complètement le projet, et environ cinq ans pour le construire, mais nous ne prenons aucun engagement pour le moment."